Regards d’artistes
La figure humaine a toujours fasciné. De tous temps, sous toutes latitudes, les humains n’ont eu de cesse de se représenter. Mais dans ce registre le visage, la figure dans sa stricte acception, tient une place à part. Qui a regardé les portraits du Fayoum, ces peintures de l’Egypte romaine posées sur la face des défunts entre le 1er et le 4ème siècle de notre ère, pour se rappeler les traits de la personne disparue, ne peut qu’être aimanté par le regard troublant de proximité et de réalisme qui s’en dégage.
Les artistes ont inondé l’histoire de portraits en tous genre que ce soit pour rendre hommage aux divinités ou aux puissants comme pour témoigner de l’humanité de leur temps.
Dans cette abondante production l’autoportrait tient une place un peu à part. L’histoire de l’art en Occident, mais également en Asie, est truffée, au moins depuis la Renaissance, d’autoportraits que ce soit de manière frontale ou cachée dans une foule. Au point que c’est quasiment devenu un genre en soi. Les artistes contemporains en ont beaucoup joué et exploré tous les possibles y compris dans ses interprétations les plus abstraites ou décalées. Il ne s’agit plus de simplement imiter le modèle mais bien de témoigner d’une présence, d’une identité passée au crible de recherches formelles.
Une approche moderne massive, populaire et triviale, de l’autoportrait pourrait aujourd’hui se manifester autour de la pratique du selfie. Pour le coup le narcissisme généralisé n’est pas loin mais l’humour et le décalage en sont également des composantes importantes. Le selfie est en soi une forme d’art de la mise en scène de sa propre identité, réelle ou fantasmée, sublimée ou inventée. Jouer du selfie est aujourd’hui tellement banal que c’est devenu un défi d’en dépasser les limites.
Quarante-sept artistes de Sirènes ont joué le jeu du selfie en réinventant les règles, en proposant un regard personnel, original, inventif pour se montrer sous un jour qu’ils n’avaient peut-être jamais imaginé auparavant. Et pour aller plus loin ils ont accepté de présenter leurs portraits, réalisés sous la même logique de la réinterprétation, afin que les visiteurs croisent le regard de leurs modèles comme si c’était celui de familiers.
Ces regards croisés, entre artistes, modèles et visiteurs, invitent à découvrir une vitalité artistique qui ne demande qu’à être regardée.
Didier Locicero
Président de l’association Sirènes